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Le nouveau paradigme: tisser écologie, démocratie et la libération du genre en un paradigme politique et révolutionnaire

Cet article est la transcription d’un exposé donné par un ancien membre du CFGN au Rojava, enregistré au Rojava pour le “Green Earth Awakening” et la mobilisation contre le trafic d’armes “DSEI”, deux événements qui ont eu lieu en Angleterre le mois dernier. Le but de cet exposé était de pointer le rôle de l’écologie dans la révolution du Rojava et de partager des expériences qui peuvent aider à construire le mouvement au Royaume Uni.

Je vous envoie ce message depuis le territoire libéré du nord de la Syrie sous administration autonome, plus connu sous le nom « Rojava ». Je suis venu ici, il y a six mois pour rejoindre le travail de la révolution et pour apprendre d’elle. J’ai fait des travaux écologiques, planté des arbres, installé des jardins ainsi que travaillé dans le mouvement des femmes, appris le kurde et donné des cours d’anglais. Avant de venir ici, j’ai fait partie de groupes radicaux au Royaume Uni pendant plus d’une décennie, au sein de campagnes écologiques, de groupes féministes et queer, au sein du mouvement antifasciste et plus récemment au sein d’une approche plus focalisée sur l’organisation des communautés dans une optique de démocratie radicale. Une des raisons principales du pourquoi je suis venu au Rojava est que malgré le fait qu’il y ait une multitude d’organisations magnifiques en UK, nous nous heurtons parfois à un mur de briques et nous avons beaucoup de questions pour lesquelles nous cherchons des réponses concernant le monde que nous essayons de construire et comment y arriver. Et quand j’ai commencé à apprendre sur la révolution au Rojava, j’ai commencé à sentir que c’était un mouvement duquel nous pouvons apprendre beaucoup de choses, un mouvement qui, en quelques décennies, a construit quelque chose d’assez fort pour affronter les forces du fascisme, du patriarcat et du capitalisme et qui a établi une société basée sur la durabilité écologique, la libération du genre et la démocratie radicale. Donc dans cet exposé, je vais essayer de parler un peu par rapport aux choses qui – depuis mon point de vue d’ici – sont les points qui manquent le plus dans les mouvements de la gauche radicale en UK.

A la racine de ce qui nous manque aux UK, ce qui nous empêche de développer une véritable perspective révolutionnaire, c’est notre incapacité jusqu’ici, de nous engager dans un nouveau paradigme politique qui pose les bases d’un autre type de société. Au lieu de cela, nous avons tendance à réagir contre les outrages les plus récents que le système dominant nous impose– par exemple le gaz de schiste, le Brexit ou l’affaire Boris Johnson. Cet exposé à la fois, pour la mobilisation anti-armes et le Green Earth Awakening ; et au début, j’ai pensé que c’était vraiment impossible d’enregistrer quelque chose qui serait compatible entre deux domaines politiques aussi différents. Mais plus j’ai réfléchi à ce que j’avais envie de dire, quels morceaux de la révolution d’ici je voulais rapporter, plus j’ai réalisé que ce qui manque aux UK est cette fondation commune d’un nouveau paradigme politique et que c’est quelque chose que nous devons construire à travers toutes les tendances politiques et à travers tous les terrains de lutte dans un mouvement plus large. Donc même si j’ai pensé que je pouvais expliquer comment l’état turc utilise à la fois des avions de combat F-15 et des constructions destructives comme des barrages dans sa guerre contre la révolution et que je pouvais parler des projets écologiques ici – coopératives pour soigner les arbres, projets de reforestation, système d’éducation – je ne pense pas que ce sont les sujets dont le mouvement environnementaliste aux UK doit entendre parler pour pouvoir se développer. La prise de conscience et l’analyse de ces sujets ne sont pas ce qui nous manque aux UK, il nous manque quelque chose de beaucoup plus fondamental.

Dans le but de transformer le mouvement écologiste – et tous les mouvements radicaux en UK –d’un mouvement de protestations en un mouvement de transformation sociale profonde, nous avons besoin d’un cadre conceptuel qui lie nos actions et qui nous donne une direction claire avec laquelle nous pouvons travailler. Nous avons besoin de dépasser le stade où nous sommes antifascistes, anti-gaz-de-schiste, anti-Boris, anticapitalistes, etc. pour devenir « pour quelque chose » qui unit tous nos mouvements fragmentés et nous donne un horizon commun vers lequel nous pouvons avancer. Une des plus grandes menaces à laquelle l’humanité fait face aujourd’hui est le changement climatique. Si nous voulons nous lever dans le but de nous organiser contre un système politique et économique dont l’idéologie et la philosophie causent le changement climatique, nous avons besoin d’une idéologie et d’une philosophie qui expliquent les liens entre le changement climatique et d’autres formes d’oppression d’une manière cohérente. Le travail d’Abdullah Öcalan ainsi que la philosophie de l’écologie sociale ont montré ce lien en comprenant que la relation entre la domination des humains sur la nature est soumise à des relations de domination des hommes sur les femmes – ce qu’on appelle patriarcat. Cette compréhension est une base, une fondation du mouvement kurde de libération, « le Paradigme nouveau », qui a été développé en réponse aux déficits, et aux contradictions d’une approche socialiste traditionnelle.

Le nouveau paradigme critique les institutions de l’état et les identifie comme mécanismes de domination. Il se base lui-même sur les fondations de l’écologie durable, la libération des femmes et la démocratie de base (grassroot democracy). Le nouveau paradigme est plus que simplement une idéologie ou une stratégie, c’est une manière de penser, d’observer, d’expérimenter et d’analyser et, finalement, de conceptualiser la vérité. Donc ici, nous voyons un décalage entre ce que le mouvement au Rojava propose pour lutter contre le changement climatique et ce que le mouvement aux UK a été capable de proposer. En UK, quand on parle de lutter contre le changement climatique, on parle de technologie, on parle de législation et de taxe carbone. Nous parlons de rejeter la croissance économique et parfois de rejeter le capitalisme. Petit à petit, les groupes du mouvement commencent à écouter les voix des communautés indigènes et commencent à se rendre compte qu’il faut parler de colonialisme et de racisme – ce qui est un pas dans la bonne direction. Dans le mouvement de libération kurde, quand on parle d’écologie, on parle de comment nous comprenons la vérité, on parle d’où nous venons en tant qu’humanité, on parle de la connaissance des mères et grand-mères, des anciens. Donc ce n’est pas réellement un discours sur l’écologie au Rojava, c’est un discours par rapport au paradigme nouveau du mouvement de libération kurde et comment il se manifeste au Rojava. C’est un discours par rapport aux approches écologiques du mouvement parce qu’on ne peut pas le séparer du reste. Le paradigme politique du mouvement est le moteur du travail ici, et l’insistance sur le fait que l’écologie est intrinsèquement liée à la libération des genres et à la démocratie d’en bas, forme un cadre d’analyses qui est une contre-proposition au paradigme du capitalisme moderne plutôt qu’une simple opposition.

Comme l’idée d’un paradigme politique est énorme, je trouve utile de la scinder quelque peu en différentes facettes. Une des façons dont je l’ai analysée est abordée à travers trois aspects : la culture politique, l’idéologie et le système démocratique.

Donc en premier lieu regardons les principes politiques et la culture, qui pour moi sont les choses les plus importantes à comprendre. En venant du soi-disant ouest, nous avons tendance à chercher des solutions techniques et structurelles pour nous libérer de l’oppression. En termes d’écologie, cela veut dire qu’on essaye de changer des lois, d’instaurer des accords internationaux, de rendre les énergies renouvelables plus accessibles ou d’interdire les sacs plastiques, les carburants fossiles ou des industries très polluantes. Dans des groupes politiques plus larges, même dans des groupes radicaux, des solutions plutôt techniques et superficielles sont proposées et on demande la mise en place de structures politiques un peu plus représentatives ou de systèmes économiques un peu plus justes. Et avant de venir ici, je n’aurais jamais nommé ces choses « techniques » ou « superficielles », je les aurais vues comme structurelles et focalisées sur la racine du problème. Mais une chose que j’ai apprise ici est que nous avons besoin d’aller plus en profondeur et ma compréhension de ce que ça veut dire « plus en profondeur » est sans cesse en train d’évoluer.

Donc dans un certain sens, je suis venu au Rojava pour chercher ces solutions techniques – Comment fonctionnent les conseils ? A quelle fréquence les élections ont-elles lieu? Combien de personnes forment une commune de voisinage ? Mais tout cela n’a aucun sens sans une culture politique révolutionnaire. Cette culture politique a ses fondations dans la confiance dans nous-mêmes, dans les communautés et dans les idées du mouvement. Il est basé sur l’engagement et sur le dévouement, la volonté de se donner entièrement soi-même – et non à contrecœur – au travail qui est nécessaire. De mettre de l’énergie dans le développement et le changement de soi-même et des personnes qui s’organisent à nos côtés plutôt que rejeter quelqu’un qui a fait une erreur ou que tu n’arrives pas à regarder dans les yeux. Cela veut dire aussi donner la priorité au collectif par rapport à l’individu, donner un nouveau cadre à ton idée de liberté pour qu’elle soit moins basée sur l’autonomie individuelle, mais plus sur la libération collective. Donc des choses comme une culture autocentrée n’existent pas vraiment ici. Au lieu de cela, il y a une culture constante de critique formulée avec amour et respect parce que nous nous sommes engagés à aider nos amis à s’améliorer et à progresser. Cette culture politique et ces valeurs révolutionnaires forment l’âme du mouvement. Essayer de construire un confédéralisme démocratique – de durabilité environnementale – sans la fondation de cette culture politique est impossible.

La deuxième facette est l’idéologie du mouvement. Celle-ci est aussi importante, ou presque aussi importante parce qu’elle donne un cadre et un objectif à nos principes politiques. C’est au travers de l’idéologie que nous pensons l’état comme une relation de domination, que nous voyons le capitalisme comme une phase temporaire de l’histoire humaine que nous pouvons dépasser. C’est au travers de l’idéologie que nous pensons qu’il faut transférer du pouvoir aux femmes et autres genres opprimés pour combattre le patriarcat etc. J’ai toujours été repoussé par des pensées idéologiques quand je militais en Angleterre, mais avec mon expérience ici, j’ai compris l’importance d’une idéologie. Quelque chose qu’on apprend ici, est que notre analyse va être fausse si on la fait à partir un mauvais outil analytique. Et si tu n’arrives pas à construire un outil analytique alternatif à l’outil dominant – ce qui aux UK est le libéralisme, le capitalisme, la mentalité de l’état etc. – alors tu vas finir par travailler avec l’outil dominant. Et c’est l’idéologie qui donne la possibilité de construire un outil analytique. Le mouvement ici explique souvent les insuffisances de l’anarchisme de l’ouest et du féminisme de l’ouest de cette manière. Ces mouvements étaient incroyablement forts et ont obtenu quelques bons résultats, mais n’ont pas été capables de casser le cadre du libéralisme et sont restés coincés dans une façon de penser de manière individualisée sous la dominance de l’état.

Avoir une sorte d’idéologie qui nous unit nous permet de faire face aux contradictions à l’intérieur de nos stratégies et actions, ce qui est absolument crucial en termes de lutte contre le changement climatique. Nous travaillons dans une réalité dans laquelle il est impossible d’inclure complètement nos valeurs écologiques dans notre façon de vivre et on commence à faire une fixation sur cette approche plutôt de la nature d’un life-style écologique en nous coupant de beaucoup de possibilités d’organisation d’une manière plus collective sur un niveau plus fondamental. Au Rojava l’aspect écologique de la révolution a fait face à de nombreux défis et est parsemé de contradictions. Même si le mouvement s’est engagé à l’idée de l’écologie, il fonctionne en grande partie grâce aux profits de l’extraction du pétrole, le manque d’infrastructure implique que les gens brûlent des déchets et jettent leurs poubelles n’importe où, l’embargo implique qu’il est très difficile d’accéder à des technologies plus respectueuses de l’environnement. Parfois, des décisions doivent êtres prises dans un contexte où l’approche écologique se trouve en contradiction avec une approche plus pratique et utile à court terme. Mais malgré tout, il y a quand même un engagement principal à l’écologie qui se manifeste sur les deux niveaux : sur le niveau structurel – par exemple chaque municipalité et région a un comité d’écologie – et sur le niveau des principes éthiques. Il me semble que le manque d’un tel cadre idéologique commun aux UK a induit que nous avons été moins capable de faire face à nos contradictions et que nous nous retrouvons en conséquence dans des débats très techniques par rapport à des pailles de plastique ou de savoir si c’est mieux d’être végétarien et de consommer du bio local. Même si ces conversations peuvent être utiles, elles peuvent nous empêcher de nous organiser d’une manière plus efficace à travers toute la société et de construire des ponts vers d’autres mouvements radicaux ; nous développons des approches qui peuvent être puristes et dogmatiques. Cela veut dire que nous restons bloqués dans une boucle de politique réactionnaire – politique contre des centrales électriques, contre des autoroutes et contre des propositions de lois ou contre certains politiciens – et que nous laissons ces choses former complètement notre stratégie politique au lieu de travailler activement pour le développement d’un paradigme politique et de répondre à des menaces depuis ce paradigme.

Finalement, il y a des structures et procédures à travers lesquelles le mouvement s’organise ici. Ces structures de démocratie de base et fédération forment le système du confédéralisme démocratique. Ceci est l’élément plutôt technique au travers duquel le paradigme politique se manifeste au Rojava et il n’est certainement pas un schéma qui peut être transposé d’un pays à un autre. En Angleterre, nous avons besoin de développer notre propre système de gouvernance démocratique qui est formé par notre contexte historique, culturel, social et économique. Ici, la société s’est organisée en unités démocratiques dont la plus petite est la commune des voisins. Ces unités se fédèrent au niveau du quartier, de la région etc. jusqu’au niveau de l’administration autonome du Nord-est de la Syrie. Autant de pouvoir que possible est distribué vers le bas, donc seulement des décisions qui ont des impacts plus larges sont discutées à des niveaux plus élevés. Le système est encore en train de beaucoup se développer et au fait, peu de gens comprennent complètement comment il fonctionne. Mais – au moins sur ce point – il tient grâce à la culture politique et grâce aux valeurs et à la force du mouvement de trouver des solutions pour s’attaquer aux erreurs et fournir beaucoup de travail pour que tout continue à fonctionner. Et cet engagement est au moins dû en partie à l’idéologie forte qui anime le travail et représente une vision forte et transcendante vers laquelle nous travaillons tous ensemble.

Donc bien sûr, ce n’est pas par rapport à ces trois choses – principes politiques, idéologie et système démocratique – séparées les unes des autres. C’est par rapport à la relation entre elles, les tensions et contradictions entre elles. On ne peut pas avoir les structures organisationnelles du mouvement séparées de la culture et de l’idéologie. Pour des personnes ayant des connaissances en écologie, il peut être utile de penser cela avec une approche de la permaculture – comment nous voyons les choses dans l’ensemble qui donnent des significations aux relations entre des éléments différents plutôt que de les trier dans des catégories « bon » ou « mauvais », « vrai » ou « faux ». En même temps, en étant une approche écologique – car c’est comme ça que la nature fonctionne, plutôt holistique que binaire – c’est aussi quelque chose qu’on peut voir comme une approche anti-patriarcale. Et je veux parler un peu plus de la manière dont le mouvement connecte l’anti-patriarcat avec l’écologie – ainsi que l’antifascisme, l’antiracisme, la démocratie directe etc. – parce que pour moi, c’est quelque chose que nous pouvons vraiment attirer dans nos organisations. Et je vois beaucoup de groupes en UK qui sont en train de développer cette analyse narrative : des « Wretched of the Earth » collectives jusqu’au campement « Power beyond Border » de cet été, et dans le fait qu’il y a eu une journée focalisée sur l’environnement dans les mobilisations du DSEI. Donc pour moi, la conduite à tenir dans cette prochaine étape n’est pas seulement de lier des luttes et de faire des connections, mais de développer un paradigme politique qui rend complètement non-négociable qu’écologie, libération des genres, démocratie radicale, anti-impérialisme, antiracisme et antifascisme soient tissés ensemble dans un mouvement qui représente une alternative au paradigme politique du capitalisme et qui a assez de force pour faire face aux structures du pouvoir.

Jusque là, j’ai beaucoup parlé de façon abstraite et j’aimerais remplir ceci avec un peu plus de vie. Dans le but d’explorer ce à quoi pourrait ressembler la construction de ce type de changement de paradigme, j’aimerais parler un peu des liens entre le mouvement de la libération des femmes et le développement de l’écologie dans un nouveau type de société et dans un nouveau type de politique. Une façon par laquelle le mouvement de la libération des femmes travaille au Rojava est le développement de quelque chose qu’on appelle Jineoloji – la science de la femme. Jineoloji n’est pas une campagne ou une idéologie, elle est développée comme une science, comme une méthode pour créer un paradigme d’analyse et une vérité qui est holistique plutôt que réduire tout en des choses qu’on peut prouver choses qu’on ne peut pas prouver ou des choses réelles et des choses qui ne sont pas réelles. La raison pour laquelle ceci vient du mouvement de la libération des femmes est que le patriarcat est vu comme attaché à une façon de penser binaire, domination et fragmentation – jusqu’à l’approche philosophique du positivisme. Des femmes sont vues comme capables d’une autre façon de penser, une façon que le patriarcat a essayé de réprimer pendant des milliers d’années, mais qui est restée vivante pendant tout ce temps à travers la résistance au patriarcat par des femmes et par tous les genres opprimés. Donc ici à nouveau, nous voyons une contre-proposition au paradigme patriarcal et pas seulement une répulsion de celui-ci. Et nous pouvons le connecter avec l’écologie parce que la domination de la nature par des Hommes va de pair avec la domination des femmes par des hommes. Et ainsi la pointe du mouvement de la libération des femmes fait partie du pilier écologique de la révolution ainsi que du pilier démocratique.

La révolution au Rojava est une révolution des femmes. Ceci ne veut pas juste dire que des femmes se sont battues à travers les forces armées, mais que des femmes prennent des rôles moteur à chaque niveau du travail révolutionnaire. Ceci inclut des femmes de toutes les classes, ethnicités et âges. Des mères sont vues comme jouant un rôle clé dans la révolution et elles sont souvent les plus radicales et « bad-ass » en termes de leur dévouement, leur vision et leur passion. Ces femmes ne prennent pas juste un rôle moteur – le rôle dirigeant des femmes n’est pas négociable dans les structures politiques ici. Dans toutes les institutions – des assemblées communautaires et du gouvernement local jusqu’aux institutions culturelles, académies éducatives et partis politiques – on trouve un système de guidage avec une cogestion à deux ou une coprésidence où un des deux doit être une femme. Dans le contexte de la représentation politique, cela veut dire qu’un groupe politique qui essaye de participer au système démocratique mais ne représente pas les femmes pourra seulement obtenir un représentant au conseil alors que tous les autres groupes en auront deux. Toutes les institutions ont aussi une structure parallèle autonome de femmes qui existe au même niveau de pouvoir que les structures mixtes générales. C’est le cas au niveau le plus petit – par exemple l’union des enseignants dans une petite ville – jusqu’à la structure autonome des femmes pour le Rojava entier – Kongreya Star.

Un exemple du lien entre écologie et organisation des femmes est Jinwar, un village installé par le mouvement des femmes au Rojava. A Jinwar habitent environ 15 femmes – et leurs enfants – qui sont venues ici pour vivre ensemble de manière collective et écologique. Les femmes – qui viennent de contextes, régions, ethnies et âges différentes – font du maraîchage, s’occupent des animaux, font tourner une boulangerie et s’occupent collectivement d’un magasin. Une partie de leur électricité vient de panneaux solaires, elles utilisent des méthodes écologiques de l’agriculture, elles plantent des arbres sur leur terrain et elles étudient et partagent des connaissances concernant la médecine naturelle. Jinwar réunit les trois piliers du nouveau paradigme du mouvement : la démocratie, l’écologie et la libération des femmes. Autres projets – tout comme les coopératives de femmes, des projets d’agriculture, les académies et le travail communal, à leurs façons. A travers toute la Syrie du Nord, le nouveau paradigme est en train de faire ses racines, lentement, petit à petit. Ce n’est pas facile, ca va prendre plusieurs générations pour le paradigme de s’enraciner réellement – mais il parle à quelque chose pour les gens : notre amour de la liberté, notre connexion avec le monde naturel, notre croyance en l’amélioration des choses.

Alors comment peut-on travailler de cette façon aux UK ? Nous avons besoin de sentir des ambitions et de l’espoir. Il est vraiment difficile de le faire en étant complètement submergé par la réalité de la vie aux UK. Être au Rojava m’a donné un sens de la perspective, la force de penser large, d’avoir une clarté politique, la capacité de penser au-delà d’une politique réactionnaire et surtout l’ambition de travailler vers un confédéralisme démocratique global. Je vous encourage tous d’envisager de venir au Rojava pour vous joindre à la révolution d’ici et en apprendre. A travers cela, il est possible d’expérimenter un nouveau paradigme et d’ouvrir vos esprits vers une nouvelle façon de s’organiser. Il est impossible de décrire comment ça se sent de faire partie d’un mouvement qui voit vraiment le capitalisme et le patriarcat comme juste une phase relativement courte de l’histoire humaine qu’on peut dépasser ; un mouvement qui est rempli de gens – avec toutes leurs imperfections, défauts et problèmes – qui donnent leurs vies pour construire cette révolution, jour après jour.

Le mois dernier, les Zapatistes ont annoncé une expansion massive de leur territoire au Chiapas avec les mots – « nous avons appris que chaque rêve qui n’englobe pas le monde entier est trop petit comme rêve ». Même depuis ici, je peux voir la braise de ce rêve au UK et je sais que si nous avons la volonté de faire le travail, nous pouvons lui donner une forme. Nous ne pouvons pas nous limiter à penser à un aspect singulier, un champ particulier ou une perspective politique unique. Nous pouvons et devons penser plus large que cela.

Je vous souhaite du succès dans ce travail et j’ai hâte de vous rejoindre quand je reviendrai au UK.

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